Mon confinement
2 mai 2020
Un confinement inédit et instructif
Assailli par les nombreux SDF qui frappaient sans cesse à la porte de notre permanence, à Paris, affamés, puisque les rues se vident et que leurs mains tendues ne leur rapportent rien, j’ai quitté Paris pour la Bergerie de Faucon.
Le confinement débutait
Je continue de loin à assumer ma tâche vis-à-vis des anciens, malades et seuls. Les mandats PCS et Transcash, donnent immédiatement une réponse à leurs estomacs affamés. Je reçois des nouvelles (comme jamais) des anciens qui vivent une vie pleine, et heureuse. C’est très réconfortant.
A Faucon, créé avec des jeunes en 1974, je passe depuis 46 ans, 4 jours par mois pour gérer l’unité de l’équipe et rencontrer les jeunes accueillis.
L’hiver je fête Noël avec la Communauté et reste 10 jours,avec elle. Et l’été je demeure un mois et demi plein. Mais le passage torrentiel des personnes qui viennent nous rencontrer ne me permet pas de bien vivre la communauté (des 16 compagnons et jeunes). Les fêtes, de plus, religieuses et laïques, pour les deux villages proches, si elles m’émerveillent me prennent un temps énorme… mais cependant vécu avec les jeunes.
Depuis mi mars, (le début du confinement) je ne vois et ne vis qu’avec les 6 jeunes et leurs compagnons. Chose inédite et que j’apprécie infiniment.
Voir les jeunes dans leur potager, me faire découvrir les pousses de carottes et de radis qui sortent de terre et nouveau pour moi.
Assister à la naissance de l’oisillon qui met son nez à la fenêtre de la vie.
Donner à manger des feuilles de chou au paon.
Agrandir le petit parc des poules et nourrir les sangliers, ma bête préférée, sont une joie.
Faire de temps à autre un grand jeu la nuit avec les jeunes me cherchant dans la forêt proche, attirés par le son de ma corne, me rappelle mon bon vieux temps. C’est un bain de jouvence.
Je survolais Faucon (pour le passant rapide que j’étais),auparavant, pris par de multiples réunions, à la Bergerie.
Si le confinement est dur pour tant de personnes, il est aussi source de mille réflexions qui, positives, peuvent nous permettre d’avancer.
Je n’ai jamais vu en 46 ans à Faucon, surgir le printemps. Les bourgeons s’éveiller, puis s’ouvrir, et les feuilles ou les fleurs en leurs pétales.
J’ai fait un minuscule jardin pour semer des fleurs au bord du Chalet offert par des amis il y a 17 ans.
Je rêvais d’y gratter la terre, planter des graines. Je rêvais seulement. C’est ce que je faisais à Rochefort sur Mer, il y a 71 ans lors de courtes vacances de Séminaire. Je m’acharnais à gratter un bout de terre et à semer. Jamais à récolter…
Ce rêve, il a fallu que ce putride Corona me le fasse réaliser.
Ayant le virus de la terre, j’ai pu, enfin, voir mes fleurs tant aimées s’épanouir. Ce long temps est à l’image de l’aventure de Faucon naissant d’une ruine. Après tant d’années de luttes, d’épreuves et de joies. Il était temps à 85 ans, de récolter, des fleurs d’espérance. Surtout dans le silence inédit de la Bergerie.
Les jeunes vivent bien ce temps de retraite « loubarde ».
Quant à l’équipe, elle vit le confinement en s’organisant bellement pour assumer sa tâche sans quitter son poste ! Chapeau !