Héritage chrétien
Qu'est ce que vous foutez de votre héritage chrétien ?
Interrogé par ATLANTICO, je réagis aux propos du chef de l'Etat, jeudi 3 mars 2011, réaffirmant les "racines chrétiennes de la France".
Atlantico - Le président de la République a loué les « racines chrétiennes de la France » lors d’un déplacement, hier au Puy-en-Velay. Dans quel but ?
Guy Gilbert - C’est impossible d’enlever l’arrière-pensée électoraliste de l’affaire, mais je pense que c’est aussi sincère. Et des deux, c’est la sincérité du président qui est, je pense, prioritaire. Nicolas Sarkozy reste dans son rôle de donner à la France sa place dans l’héritage culturel chrétien, qui est énorme.
Maintenant, qu'il aille dans les hauts lieux du catholicisme français en évoquant les racines chrétiennes, il parle de ce qui nous troue les yeux !
Ne met-il pas une religion au dessus des autres ?
Il est normal de laisser la priorité à une religion qui est enracinée en France depuis un millénaire et plus, avec des racines extrêmement profondes, architecturales pour commencer. Vézelay est un point de passage obligé séculaire pour les pèlerins, comme le Puy, Domrémy et tant d'autres lieux chrétiens en France. Mais il y a aussi tout ce que l’Eglise a apporté au cours des siècles à la France, grâce a la semence chrétienne, vis a vis des plus pauvres : les hôpitaux, les orphelinats…l'Eglise a été une pionnière des services publics.
Alors oui, un président peut devenir un historien en boostant un peu les chrétiens, en leur disant "qu’est ce que vous foutez de votre héritage chrétien" !
Il a le droit d’etre un grand ayatollah qui va essayer de leur donner le La !
Quand l’Europe n’a pas évoqué les racines chrétiennes dans sa constitution, j'ai trouvé que c’était une erreur invraisemblable, et un mensonge.
Maintenant, ambigüité du débat, c’est avec l’Islam. Parler de la chrétienté et du formidable atout qu’elle a été, mais en même temps vouloir parler de l’Islam c’est beaucoup plus risqué.
Est-ce une bonne solution de faire appel aux "racines chrétiennes" ?
Les jours, les semaines, et les mois suivants, vont nous donner une réponse, on n'a encore rien vu car tout est trop récent. Le Premier ministre espagnol s’y prépare lui, très fort. Ce n’est pas le danger de l’Islam qui est préoccupant, mais d’abord de l’immigration massive que l’on peut avoir. Comme des dizaines de milliers de personnes vont essayer de traverser la Méditerranée pour arriver jusqu'à nous, cela va vraiment poser des problèmes.
En fait, l’Histoire choque le présent : il ne faut pas que Nicolas Sarkozy se mélange les pédales. Aurait-il parlé de cela s’il n’y avait pas eu les révoltes en Libye, en Tunisie, en Égypte ? Je n’en suis pas sûr. Mais que faire ? Est-ce le moment opportun de réveiller les racines chrétiennes ? On a peur de l’Islam mais accentuer cette peur n’est pas forcément bon.... Le vent de l’histoire balaie le présent, aujourd'hui, avec les risques d’envahissement qui sont devant nous.
Je ne voudrais pas être à la place de Nicolas Sarkozy aujourd’hui.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Giraud